L'Icam Formations Vie à l'Icam International Entreprise Recherche

Corentin de Chatelperron, ingénieur aventurier des low-tech


25 Sep 2022

témoignage ingénieur low tech corentin chatelperron

Corentin à bord de Nomade des mers

Présentation ingénieur

Corentin est diplômé de l’Icam depuis 2006. Il a choisi le cycle ingénieur prépa Icam intégré qu’il a suivi à Nantes.
Aventurier et fondateur de l’association Low-Tech Lab, notre ingénieur développement durable parcourt le monde à bord de son bateau pour identifier, tester et diffuser les meilleures innovations low-tech. Corentin nous raconte comment il vit aujourd’hui de sa passion et met ses compétences au service de projets utiles pour la planète et les hommes.

Transcription du podcast

Camille Schneller [00:00:09:01] – Savez-vous que l’on peut faire un tas de métiers avec le diplôme d’ingénieur ? On peut être conductrice de travaux, Start upper, arriver à la tête de l’une des plus importantes entreprises de cosmétiques maison, réaliser les chantiers d’un parc d’attractions, travailler dans l’entreprise préférée des français ou faire le tour du monde en bateau !

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:00:30:00] – Je m’appelle Corentin de Chatelperron, j’ai 36 ans, j’ai monté une association qui s’appelle Gold of Bengal et j’ai fait une école d’ingénieurs qui s’appelle l’Icam. 

Camille Schneller – Je suis Camille Schneller. Vous écoutez Parcours d’ingénieur, un podcast de l’Icam dans lequel des ingénieurs vous racontent ce qu’ils font de leur vie professionnelle. 

Quel est ton métier d’ingénieur ?

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech – Aujourd’hui, je me définis plus comme un entrepreneur ingénieur aussi parce que j’ai vraiment cette boîte à outils ingénieur. Mais depuis, j’ai rajouté pas mal d’outils. Du coup, ça ne se limite pas au travail d’ingénieur et je pense que chaque diplômés d’écoles d’ingénieurs font la même chose. Il part avec une boîte d’outils qui est commune aux autres et rajoute des outils en fonction de ce qu’il veut faire dans la vie. 

Camille Schneller – Dans ce sixième épisode, nous avons rencontré Corentin de Chatelperron. Il était de passage en France pour quelques semaines avant de repartir pour son tour du monde en bateau. 

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:01:30:00] – Bonjour, bonjour. On est à la Colloc. C’est un espace de coworking à Lorient qui est super bien pour travailler. Faut qu’on aille à l’étage. Le principe, c’est que c’est un endroit sympa pour travailler. Il y a des machines à café et des gens sympas. J’ai monté une association qui s’appelle Gold of Bengal, dont je suis le président. On essaie de trouver partout autour du monde les meilleures innovations low-tech pour pouvoir les diffuser au plus grand nombre. 

Le low-tech, c’est quoi ?

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:02:03:02] – Ce que j’appelle des low-tech, c’est des techniques ou des savoir faire qui répondent à trois critères. Elles sont utiles, accessibles et durables. Alors, utile, ça veut dire qu’elles doivent servir à quelque chose. Donc c’est souvent des technologies ou des savoir faire qui répondent à des problèmes d’accès à l’eau, à l’énergie, à la nourriture, aux matériaux de construction, au recyclage et la gestion des déchets, et cetera. C’est utile. 

Ensuite, c’est accessible. C’est pour ça qu’on les appelle des low tech et pas des high tech. C’est que ça doit être accessible d’un point de vue économique et ça demande pas des compétences très particulières ou des moyens très pointus pour les fabriquer. Elles peuvent être fabriquées un peu partout autour du monde. 

Et le troisième point, c’est durable. Ça veut dire que c’est écologique et que c’est bien pour la planète. 

Un exemple de ta low-tech préférée ?

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech – Ma low-tech préférée, c’est un élevage de mouches qui s’appellent des mouches soldats noires. En fait, les larves de ces mouches transforment très rapidement des déchets organiques, par exemple n’importe quelle épluchure ou même des déchets de toilettes sèches, et cetera. Ça les transforme en compost. Et donc, ce compost est utilisé pour des maraîchers pour faire pousser des nouveaux légumes. Ensuite, ces larves, une fois qu’elles ont grandi, on les donne pour la l’alimentation des animaux, pour les poissons ou pour les poulets par exemple. Et donc ça, ça a un super impact écologique. Parce que plutôt que d’enfouir, ou brûler des déchets organiques, grâce à ces larves de mouches, on transforme un déchet en deux ressources qui valent cher, qui ont vraiment de la valeur. Et c’est une technique qu’il est assez facile de diffuser. Donc nous, on a été voir une ferme de ces mouches là. On a documenté la manière d’élever des mouches pour que n’importe qui, demain, puisse élever ces mouches là à petite échelle ou à grande échelle. 

D’où viens-tu ?

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech – Euh alors moi je viens de Bretagne et donc j’ai été au collège et au lycée en Bretagne. Et j’ai toujours bien aimé le bricolage, tout ce qui a été technique. Et l’aventure, l’aventure et l’exploration. Comme je n’avais pas d’idée précise de ce que je voulais faire, mais que j’adorais tout ce qui est technique, bricolage, etc faire des trucs par moi même. J’étais un fan, par exemple de MacGyver. J’ai décidé de faire des études techniques. Mais qui étaient généralistes, c’est-à-dire qui ne me fermaient pas de porte. Je ne voulais pas, à 18 ans, m’enfermer dans un boulot précis.

Comment as-tu découvert l’Icam, école d’ingénieur ?

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech – En fait, j’ai découvert l’Icam quand j’étais au lycée et je voulais faire une école d’ingénieur généraliste. Et alors ? J’ai été à plusieurs portes ouvertes et l’Icam de Nantes, c’est l’école qui m’avait le plus marqué parce que je me souviens qu’il y avait plusieurs associations qui présentaient ce qu’elles faisaient. Et justement, il y en a qui étaient assez dans tout ce qui est technique, bricole, etc.

Et j’avais remarqué, en discutant avec les élèves de l’Icam qui présentaient ce qu’ils faisaient, qu’il y avait vraiment un côté passionné chez eux. Ils se passionnaient pour ce qu’ils faisaient. Et ça, ça m’a vraiment, vraiment marqué. 

Et la seconde chose qui m’a plu, c’est l’experiment. Alors le principe, c’est que l’Icam demande à chaque étudiant de partir pendant quatre mois à plus de 300 kilomètres de chez soi et en s’auto finançant. Et donc, les jeunes font ce qu’ils veulent. Et ils partent sur un truc qui les passionne. Et ça, j’ai trouvé que c’était un truc qui me correspondait bien. 

Le cycle ingénieur généraliste parcours intégré, c’est quoi ?

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:05:30:00] – Alors la formation Icam, elle dure cinq ans. Moi, je suis rentré en 2001, je suis sorti en 2006 et ça commence par deux ans de prépa. Donc c’est quand même pas mal de théorique maths, physique, chimie, etc. Et après il y a trois ans d’écoles d’ingénieurs et donc c’est assez généraliste, il n’y a pas vraiment de spécialisation. Alors la prépa, avant de rentrer en prépa, on m’avait dit tu verras, faut bosser comme un dingue. Et puis il y a un esprit de compétition, etc. C’est une des raisons pour lesquelles je voulais faire une école avec une prépa intégrée. Ça veut dire que ça se termine pas par un concours. Et l’avantage, c’est que bon, ok, on doit pas mal bosser, mais tout le monde travaille vraiment ensemble, pas dans un esprit de compétition. Parce que si tout le monde a la moyenne en fin d’année, tout le monde passe à l’année d’après. Et donc j’ai vraiment bien aimé ces deux années-là. En plus, tout le monde habitait sur le même campus et donc je me suis fait des supers amis que j’ai encore. 

La prépa ingénieur

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:06:47:05] – Pendant la prépa avec des amis, on a fait partie d’une association qui aidait une association indienne dans le sud-est de l’Inde à construire des maisons. Et du coup, pendant toute une année, on a essayé de collecter de l’argent pour à la fin de l’année. Pendant l’été, c’était l’été de la fin de ma prépa. Rencontrer cette association là, voir comment ils faisaient sur le terrain et leur donner l’argent qu’on avait collecté. Et en plus, de ce voyage là en Inde, ont découlé pas mal de trucs que j’ai fait dans la suite. On est parti deux mois en Inde pour voir cette association. A ce moment-là, j’avais une cousine qui travaillait dans une petite ville qui s’appelle Auroville, qui est aussi dans le sud-est de l’Inde. Et c’est une ville qui a été montée par des hippies en 68, par des gens du monde entier qui se disaient “On va essayer de trouver comment l’homme doit vivre demain et on va faire une ville entière de démonstration, d’expérimentation, de mode de vie de demain”. Et ça, je trouvais ça marrant. Et puis, je connaissais quelqu’un dans cette ville et donc j’y suis allé, mais juste deux jours. Et en fait, ça m’a tellement plu de voir des gens qui étaient complètement passionnés par l’avenir de la planète. Et il y avait justement parmi ceux-là des architectes, des designers, des ingénieurs, etc. 

Et c’est la première fois que je voyais des ingénieurs qui vivaient de leur passion et ça, j’ai trouvé ça hyper inspirant parce que j’avais plus l’image de l’ingénieur qui allait travailler pour gagner un salaire et puis vivre à côté ses passions. Mais voir des gens qui vivaient de leur passion, je crois que ça m’a bien éclairé pour la suite. 

Le début de la troisième année : le cycle ingénieur

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:08:30:00] – En revenant de cette expérience en Inde, ben c’était le début de l’école d’ingénieur, du cycle d’ingénieur. C’est moins théorique, c’est beaucoup plus pratique. C’est des cours. On apprend comment on fabrique un bâtiment, comment on construit, comment on fait un frigo, comment on fait un ordinateur comme on apprend plein de trucs comme ça. Et alors ? Il y a deux projets phares. La première année, on organisait une espèce de grande soirée où toute la promo, donc 100 personnes, organisent le truc. Donc ça, c’est génial puisqu’on se retrouve tout d’un coup comme une entreprise de 100 personnes, avec des chefs, des sous chefs, etc . On s’organise entre nous d’un point de vue management, on a un objectif, c’est de faire une soirée réussie dans les locaux de l’Icam. Donc toutes les salles de classe doivent être transformées. On doit inviter des groupes. On gère ça comme une entreprise. Il y a des histoires de législation, donc il y en a qui sont plus dans les papiers, il y en a plus qui sont dans la recherche de fonds, il n’y en a plus qui sont dans l’artistique, etc. Ça fait une expérience qui est hyper intéressante de comment on s’organise entre nous et qui illustre bien aussi la philosophie derrière l’école d’ingénieur c’est qu’on essaye d’apprendre en utilisant nos passions ou des choses qui nous intéressent, qui nous plaisent, qui nous séduisent.

Le premier stage d’ingénieur développement durable à l’international

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:09:30:00] – Et donc, il y avait ce projet là et en même temps, on devait commencer à préparer lexpériment. Donc ça, c’est le voyage de quatre mois qui est une préparation plus solitaire, à l’inverse de la préparation de la soirée Icam, parce que chacun doit vraiment trouver le chemin qui lui correspond. Alors pour ça, on a un prof ou quelqu’un qui nous conseille, qui nous accompagne pour prendre les bonnes décisions, parce qu’il ne s’agit pas juste de se dire : j’ai toujours rêvé d’aller à New-York, donc je veux aller à New York quatre mois. Il faut que ce soit plus construit que ça. Il faut que ça corresponde vraiment à une amorce de ce qu’on veut faire dans la vie. Et donc j’ai décidé d’aller en Inde justement : revoir Auroville, cette ville qui m’avait… j’étais resté que deux jours, mais qui m’avait vraiment attiré parce que je sentais qu’il y avait quelque chose qui me parlait dans tous ces gens qui avaient choisi des modes de vie différents. J’ai commencé par voyager dans différents endroits en Inde et voyager tout seul. Ça, ça apprend énormément de choses aussi. J’adore ça. 

L’expériment : le projet personnel à Auroville, en Inde

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:10:30:00] – Et après ? Je suis arrivé à Auroville pour travailler pendant deux mois et j’avais trouvé un stage dans une entreprise de Auroville qui fabrique des éoliennes qui pompent de l’eau dans le sol. Auroville à la base, c’était un désert que l’État indien a donné comme une concession à ces Hippies et du désert, ils ont réussi à le transformer en une grande forêt. Donc ils ont des éoliennes qui pompent de l’eau dans le sol, qui permet de faire de l’agriculture, qui permet de faire pousser des arbres, etc. Et bref, à l’époque, il y avait un petit souci technique sur les éoliennes et du coup, moi, il m’avait demandé de faire un stage de deux mois pour améliorer ces éoliennes. Quand je suis arrivé à Auroville, je suis allé dans le seul endroit que je connaissais de Auroville, c’est dans la forêt, il y a un Australien. On peut dire qu’il est Indien maintenant parce que ça fait 45 ans. Il était là dès les premiers Auroville. Il est australien, architecte à l’origine, et il a monté une communauté dans Auroville qui est vraiment en pleine forêt. Donc il a construit des espèces de maisons. Alors il y a une maison dans un arbre, il y a des cabanes un peu partout. Et alors pour y accéder, ce sont des petits chemins en terre. Il n’y a pas d’accès à l’électricité, il n’y a pas de fil électrique qui va jusque là. Il n’y a pas de vraie route, c’est des chemins.

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:11:51:10] – Déjà ça déconnecte pas mal. Et à l’époque, moi j’habitais dans une espèce de… Ils m’avaient permis de loger dans ce qu’ils appellent une capsule. C’est une espèce de maison en bois, en bambou et en feuilles, et il n’y avait rien d’autre. Il y a deux trucs qui m’ont marqué. Le premier, c’est de rencontrer tous ces gens qui sont passionnés par leur métier et puis passionnés aussi par ce qu’on va faire de notre planète demain. Et ça, ça m’a vraiment marqué. C’est la première fois que je voyais des gens dédier leur vie entière, en fait, comme des moines pour une religion. Mais non, c’était des gens qui dédiaient leurs compétences, tout leur temps à voir ce qu’on peut devenir, ce que l’homme peut devenir demain sur notre planète. Et ça, j’ai trouvé ça super inspirant. Et le deuxième truc, c’est que voyager tout seul à l’autre bout du monde, j’ai trouvé que c’était un peu comme un moment de retraite, de recul par rapport à son quotidien qui était nécessaire pour prendre de bons choix dans sa vie. Et depuis, c’est quelque chose que je fais régulièrement parce que je me rends compte que c’est seulement dans ces moments là ou je suis déconnecté, avec ma vie quotidienne, avec mon environnement, mes amis, mes activités quotidiennes, que je suis plongé dans un autre décor, en fait, que j’arrive à bien prendre du recul, bien réfléchir et prendre des bonnes décisions pour la suite.

Les deux dernières années à l’école d’ingénieur

Alors quand je suis revenu de l’experiment, il y a eu déjà une phase super intéressante. C’est que tout le monde était parti en experiment, donc tout le monde revenait avec des histoires géniales et ça avait changé tout le monde. Donc ça, c’était super. Et puis il a fallu se remettre dans les cours. Moi qui sortait de ma forêt à bosser sur les éoliennes, ce n’était pas forcément le truc que j’aurais préféré, m’asseoir sur une chaise toute la journée. Mais c’était justement la phase où on était un petit peu plus dans le pratique. Et alors il y a plusieurs projets, donc on apprend des trucs sur les machines. On a des cours, on a aussi plus de travaux pratiques à ce moment-là, on a un projet qui m’a pas mal impacté sur la suite.

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:14:00:10] – C’est un projet de création d’entreprise. Et dans ce projet de création d’entreprise, on nous demandait ce qu’on voulait faire comme idée d’entreprise et de faire tout un business plan, comme si on allait créer l’entreprise. Et avec des amis, on a décidé de faire une entreprise d’écotourisme, de proposer à des gens de partir en vacances dans des endroits vraiment isolés, en pleine nature. On pensait même à des maisons semi-enterrées, des cabanes dans les arbres, etc pour faire des activités outdoor, pour mieux comprendre la nature. Et on s’est dit ça parce qu’on se disait le problème, c’est peut être que les citadins, ils n’ont plus du tout de connexion avec la nature et que pour créer de la connexion avec la nature, de l’empathie envers la nature, il faut qu’on comprenne le fonctionnement de la nature et qu’on comprenne qu’elle est nécessaire, etc. Bref, on avait développé tout un concept là dessus. Ça, c’était le projet de création d’entreprise et donc il y a eu ce projet là qui m’a pas mal marqué. 

Le stage en dernière année d’ingé dans le développement durable

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:15:00:00] – Et ensuite, il y a la dernière année d’études d’ingé, elle est divisée en deux. Il y a ce qu’on appelait le labo. Je crois que le nom, il a changé depuis, mais c’est à dire qu’on te donne un sujet, une mission en fait, qu’une entreprise donne à l’Icam et du coup, la deuxième partie de l’année, on doit faire un stage. On devait faire un stage et moi je voulais choisir un stage, du coup bon qui corresponde à mes convictions. Un peu comme ce que j’avais vu à Auroville et donc j’ai décidé de travailler dans les énergies renouvelables. J’ai trouvé un stage dans l’éolien et donc bon, alors ça m’a plu de travailler dans un domaine qui correspondait à mes convictions. Parce que l’éolien, j’y croyais. Je trouvais ça bien de mettre des éoliennes, mais après ça ne m’a pas complètement séduit sur tous les points. C’est à dire que c’était quand même un travail dans un bureau, un travail pas mal d’ordinateurs dans une ville et je sentais qu’il manquait quelque chose. Ce n’était pas encore comme les gens passionnés que j’avais vu à Auroville à ce moment-là. J’ai fait comme un bilan de mon stage. J’ai compris qu’il ne s’agissait pas juste de travailler dans un domaine qui correspondait à mes convictions, mais qu’il y avait beaucoup plus de paramètres que ça pour choisir son métier. 

Et donc j’ai essayé dans la suite de ma carrière, de toujours trouver quelque chose qui me fasse vivre, qui corresponde à mes passions, mes compétences et quelque chose que je trouve utile pour la planète ou les hommes. Je me souviens d’un cours où le prof nous avait demandé de trouver parmi des listes de postes, le poste qui nous correspondait le plus. Donc, je me souviens que j’avais regardé. J’avais été à la bibliothèque de l’Icam. Il y avait des ordinateurs et j’avais regardé. J’avais trouvé une liste de postes d’ingénieurs. Par exemple, il y avait l’ingénieur chargé de projet, l’ingénieur sécurité, l’ingénieur bureau d’études, l’ingénieur… je ne sais plus les noms, mais il n’y avait aucun nom, où vraiment, ça faisait tilt dans ma tête. Et je crois que ce cours a fait une démonstration par l’absurde qu’il fallait que je crée moi-même mon travail

Le début de la vie professionnel en tant qu’ingénieur

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:17:30:00] – Alors après mon stage, on a reçu notre diplôme et en fait avec un des amis avec qui on avait fait le projet de créer son entreprise d’écotourisme, on a décidé de se lancer là dedans parce que vraiment là, pour le coup, on se disait ça correspond à nos passions, à nos compétences. Il manquait le petit détail de “faudra que ça nous fasse vivre”. Du coup, on s’est un peu débrouillés en faisant des petits boulots, etc pour gagner assez d’argent pour pouvoir monter le projet.

Le projet de création d’entreprise d’écotourisme

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech – Et alors? On s’est lancé vraiment dans un gros truc parce que notre projet, ça demandait des millions d’euros. Il fallait trouver un terrain quelque part assez isolé ou on puisse quand même construire des maisons. Et puis enfin, c’était quand même un gros machin. Peut être qu’on ne s’est pas bien rendu compte de l’ampleur du truc. Dès le début, on s’est lancé dedans. On a fait une étude de marché, un business plan, on a rencontré des gens, des potentiels investisseurs, etc. Ça a duré un an. Au bout d’un an, l’ami avec qui je travaillais a décidé de prendre une autre voie parce que c’était quand même pas très confortable. On ne savait pas du tout si ça allait marcher ou pas. Et en fait, il y a un des contacts qu’on avait fait quelques mois avant que j’ai recontactés. Et en fait, c’était un groupe d’investisseurs qui nous a dit “Votre projet nous intéresse”. On ne peut pas investir tout le truc, mais par contre, on peut participer à cet investissement là et puis vous encadrer. Donc j’ai recontacté cet investisseur et il m’a proposé de travailler à temps partiel sur son projet et à temps partiel sur mon projet. Ce que j’ai fait pendant un an et demi et un jour, j’ai reçu un mail d’un ami d’ami, quelqu’un que je connaissais pas, mais qui vivait au Bangladesh et qui montait un chantier naval pour fabriquer des bateaux de pêche pour les pêcheurs du Bangladesh. Il avait remarqué que, au Bangladesh, il y a de moins en moins de bois à cause de la déforestation et que du coup, ils construisent des bateaux de mauvaise qualité. Et à chaque tempête, il y a plein de pêcheurs qui meurent en mer et bref, ils voulaient développer un chantier naval et ils cherchaient un ingénieur pour l’aider. Et moi, ça fait tilt dans mon cerveau. Je me suis dit je ne connais pas le Bangladesh, mais j’avais été en Inde. Je savais que c’était une culture qui m’attirait. Et partir comme ça à l’aventure, dans un endroit que je ne connais pas, faire un métier que je ne connais pas, c’est le truc qui me manquait à ce moment-là, quand je bossais à Paris. 

Départ à Bangladesh pour devenir ingénieur construction navale

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:19:34:22] – Et du coup, j’ai décidé de partir. Donc j’ai débarqué au Bangladesh. Début 2009, j’ai rencontré ce Français qui monte son chantier naval. Alors c’était vraiment un tout petit chantier naval. C’était même pas un hangar fermé, c’était un espèce de truc sur le bord d’une rivière. Et mon boulot, ça allait être de faire la coordination entre l’architecte naval qui était français, et les gens sur place pour qu’on construise des bateaux qui soient plus en bois, parce que le bois était de mauvaise qualité, mais en matériaux composites, et donc je devais trouver un logement sur place. C’était un des premiers trucs que j’ai fait. Et alors, ce Français, Yves Marre, il avait construit via son association, un grand bateau en bois, une espèce de bateau de pirate en bois traditionnel de l’époque. Et c’était un bateau qui allait disparaître. Et du coup, il s’est dit on va le refaire comme ça, on va conserver les traditions. Et j’ai demandé à Yves si je pouvais vivre dans ce bateau. Et il m’a dit oui, et donc je me suis installé dans ce truc là. 

Alors dans mon travail aux chantiers navals, on commençait à construire des bateaux en fibre de verre, les premiers bateaux en fibre de verre du Bangladesh. Et j’avais vu que, en Inde, par exemple, dans les pays autour, ils commençaient à utiliser à fond cette technologie là, ce matériau là qui a un défaut, c’est que d’un point de vue écologique, ce n’est pas terrible. Ca prend beaucoup d’énergie à la production, c’est importé au Bangladesh et en fin de vie, on ne sait pas quoi faire du matériau. Et alors, il se trouve que là ou mon bateau était échoué, il y avait une espèce de jungle et derrière la jungle, il y avait une usine de transformation de fibres de jute. Le jute, c’est une plante qui pousse quasiment qu’au Bangladesh, qui est une sorte de grande ortie avec une tige beaucoup plus longue. Et je me suis dit “mais si on remplaçait la fibre de verre qu’on utilise pour fabriquer les bateaux par de la fibre naturelle locale, ce serait génial d’un point de vue écologique et aussi d’un point de vue social, économique pour le Bangladesh”. Et du coup, j’ai commencé à faire des premiers tests et au bout de quelques mois, quand j’ai vu qu’il y avait un vrai potentiel, j’ai décidé de fabriquer un bateau avec ce matériau là. Là, j’avais un peu deux options. Soit je faisais des dossiers et je cherchais de l’argent pour essayer de financer la suite des recherches. Soit je prouvais que ça marche et j’ai décidé de prouver que ça marche.

Retour en France avec un bateau bon pour l’environnement

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech – Donc je suis rentré en France à la voile avec ce bateau pour montrer que le bateau était résistant et que j’étais motivé aussi. Et donc je suis parti à la fin de mon contrat. Au bout d’un an, au Bangladesh, après avoir passé trois mois à construire le bateau, je suis parti, direction la France. Je ne savais pas quand j’arrivais parce que n’avais jamais vraiment navigué avant. Je n’avais jamais vraiment navigué tout seul sur un bateau ou même au large. Et du coup, je suis parti. J’ai commencé par descendre le Gange et puis traverser jusqu’au Sri Lanka. Puis ça a marché. Du coup, j’ai continué jusqu’au sultanat d’Oman et au Yémen. Et puis j’ai remonté la mer Rouge. La mer Rouge, c’était avec mon frère. Et puis on a traversé le canal de Suez. Et puis paf ! Je suis arrivé six mois après en France et donc le bateau, ça a fait un peu de bruit. Donc le bateau, j’ai pu le montrer à des salons nautiques et tout ça, trouver des mécènes et des partenaires. Et après, je suis reparti au Bangladesh pour monter un labo de recherche sur la fibre de jute.

Un nouveau challenge pour l’ingénieur low-tech

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:22:50:14] – Quand je suis retourné au Bangladesh en 2011, notre nouveau challenge, c’était de fabriquer un nouveau bateau. Mais le premier bateau au monde 100 % en composites à base de fibre de jute. Et on a réussi notre pari début 2013, on a mis à l’eau Gold of Bengal, qui est le premier bateau au monde fabriqué en composites à base de fibre de jute. Alors, quand on a mis à l’eau Gold of Bengal, le bateau 100 % jute, j’avais une idée derrière la tête. C’était de partir pendant six mois naviguer dans le golfe du Bengale avec deux objectifs. Le premier, c’était de tester le bateau pour valider qu’il est bien costaud avant de continuer à diffuser ce matériau là. Et le deuxième, c’est que je commençais à m’intéresser à ce que j’appelle les low tech, donc plein des technologies qui permettent de répondre aux besoins de base, mais avec les moyens du bord, c’est à dire avec des moyens simples, accessibles.

Le début de la low-tech

Donc voilà, j’ai commencé à m’intéresser à ça. En fait, j’avais remarqué qu’au Bangladesh, en Inde, dans les pays où j’avais été et spécialement des pays où les gens sont sous contrainte, eh ben il y a des gens super ingénieux qui inventent des super technologies, des super savoir-faire, etc. Et ça, ça me passionnait et j’ai décidé de voir si je pouvais être autonome sur ce bateau pendant six mois grâce à des low-tech. Et donc j’avais embarqué sur le bateau une serre pour faire pousser des patates. J’avais deux poules pour avoir des œufs. J’avais un petit dessalinisateur pour faire de l’eau douce grâce à de l’eau de mer et j’avais un réchaud à économie de bois, et un four solaire. Et donc je suis parti. Ça a été assez dramatique par rapport à tous les plans que j’avais eus. Ça a été un bon échec parce que mes plants de patate sont tous morts très rapidement, parce que je me servais un peu du four solaire mais j’ai eu, par exemple, avec le réchaud, je devais ramasser des morceaux de bois sur les plages, sur les îles désertes où je m’arrêtais, et j’ai embarqué des familles de termites qui ont bouffé mon Mac qui s’est cassé dans une tempête. 

Enfin bref, rien ne s’est passé vraiment comme prévu, mais je suis revenu avec mieux que ça. Je suis revenu avec une idée, c’est de me dire : toute cette ingéniosité qu’il y a partout autour du monde, tous les gens qui, sous contrainte, inventent une super solution pour résoudre un problème d’accès à l’eau, l’énergie et la nourriture, la malnutrition, etc. toutes ces bonnes idées, il faut en faire quelque chose parce que la plupart du temps c’est quelqu’un qui localement, va inventer un truc génial mais en général ça peut servir à des milliers voire des millions de personnes quelque part dans le monde et il faut que ces gens là en entendre parler. 

Création de l’association Low-tech Lab

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:25:30:00] – Et du coup, je me suis dit que ce serait génial qu’on puisse scanner la planète à la recherche de toutes les bonnes idées, de toutes les low tech, qu’on documente ces solutions là et qu’on les diffuse pour que n’importe qui puisse répliquer. Et donc j’ai créé mon asso dans laquelle il y avait deux projets : le projet pour continuer à développer le matériau à base de fibre de jute. Donc il y avait une équipe qui restait au Bangladesh pour avancer là-dessus et j’ai recruté une seconde équipe pour travailler sur les low-tech. Eux, ils sont basés à Concarneau, en Bretagne.

Et alors avec cette équipe-là, on a commencé à scanner la planète, à regarder toutes les bonnes idées qu’on pouvait trouver sur Internet. Et au bout d’un moment, on s’est dit “on va trouver un nouveau bateau”, cette fois un grand bateau, un grand catamaran qu’on a appelé Nomade des mers, qu’on a acheté en 2015. Et on va transformer ce bateau là en laboratoire flottant et on va aller rencontrer les gens qui ont eu des bonnes idées de low-tech pour aller tester leurs innovations, pour pouvoir bien documenter ces innovations-là, bien valider qu’elles sont bonnes et ensuite on va communiquer dessus pour les diffuser et qu’elles se voient, que d’autres gens puissent les répliquer. 

Le début du tour du monde sur le Nomade des mers

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:26:31:20] – On est parti avec ce bateau début 2016 pour un tour du monde. On pensait que ça allait durer trois ans, mais en fait, ça fait déjà plus de trois ans et on est encore en cours et à chaque escale, on rencontre des inventeurs. Ils nous présentent leur technologie et on la fabrique. On fait toujours un prototype qu’on essaye sur le bateau, on fait une vidéo tuto qu’on met sur internet, un tutoriel écrit aussi. On a fait un espèce de Wikipedia du low tech et on fait des documentaires pour la télé, pour le grand public, pour Arte. Et on a découvert plein de low-tech géniales, on a découvert plein d’inventeurs géniaux. Et l’idée qui est née il y a cinq ans de se dire “On va utiliser Internet pour diffuser toutes ces bonnes idées”. Elle est bonne parce que l’année dernière, on a dépassé le “ un humain sur deux qui a accès à Internet”. 

Que faites-vous sur le bateau low-tech ?

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:27:30:00] – Alors sur le bateau, on essaye tout. Alors par exemple, sur les mouches soldats noirs, quand on s’est arrêté à Kuala Lumpur, on a dû embarquer à bord un élevage de mousses soldats noirs. Donc on a une petite volière avec des mouches et on a un espèce de bac à compost qui grouille de vers à l’intérieur.

À Singapour, on a étudié l’agriculture urbaine parce qu’ils font pousser des légumes. Singapour est sur une île et il n’y a que des immeubles partout. Et tout ça, ils n’ont pas d’espace pour cultiver. Et donc, depuis, on a un système de production de plantes à bord du bateau hors sol, qui grandissent grâce à des excréments de grillons. 

Et donc ça, c’était super intéressant de se pencher sur tous ces sujets là, à chaque fois en rencontrant des gens qui mettent vraiment leur passion, leurs compétences et leurs convictions au service d’une population, au service de la planète. 

Pitch nous ta journée type d’ingénieur low-tech

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech – Une journée type sur le bateau, c’est, en général, on est en escale dans un pays pour rencontrer un inventeur. Donc tous les matins, il y a la routine du matin. C’est s’occuper de tous les trucs vivants à bord parce que du coup, c’est comme une petite ferme flottante. On est un peu fermiers sur un bateau, donc il faut s’occuper de tout ça. Et ensuite, ça nous prend pas mal de temps de tourner les documentaires pour la télé ou faire les tutos ou créer les prototypes des technologies qu’on va documenter et de rencontrer, d’interviewer les inventeurs. Donc en général, la journée c’est, soit on est avec l’inventeur, soit on prototype, soit on achète du matériel pour prototyper, soit on documente et on teste des technologies

Je me suis rendu compte que la plupart des ingénieurs, des designers dans le monde, travaillent sur les high-tech alors qu’il y a énormément de choses à faire sur les low-tech. Nous, on a commencé à répertorier tout ce qui existait, mais il y a un potentiel de développement et d’innovation qui est gigantesque dans les low-tech. Et ça, c’est quelque chose qu’on n’apprend pas forcément pendant les études, de savoir que l’innovation, ce n’est pas forcément le high-tech, ça peut être vraiment des choses du quotidien qui sont accessibles à tous et qui sont très innovantes. Et donc mon rêve pour l’avenir, c’est de convaincre plein d’ingénieurs, plein de designers, plein de chercheurs, plein de particuliers, plein d’étudiants, etc à créer ce qu’on appelle en interne dans l’association la NASA du low-tech. C’est-à-dire de créer un vrai centre de recherche pour innover en matière de low-tech, pour trouver des solutions qui soient au service de modes de vie qui soient plus sains et plus durables. 

Corentin de Chatelperron, ingénieur low-tech [00:30:00:00] – Ça fait treize ans que je suis diplômé ingénieur et après treize ans, je me rends compte que toutes les grandes décisions que j’ai prises, toutes les grandes orientations, c’était pendant des moments ou j’étais assez déconnecté. C’était sur le bateau échoué au Bangladesh, c’était pendant ma traversée du Bangladesh à la France, sur mon bateau en jute. C’était pendant mes six mois dans le golfe du Bengale. C’était à chaque fois, pendant des moments ou j’étais hors de ma routine habituelle. Et c’est à chaque fois à ces moments là que j’ai réussi à aller assez loin dans ma réflexion, à ne pas être parasité par d’autres phénomènes extérieurs et à prendre vraiment des choix assez radicaux. Quelques fois, et en cherchant, j’ai compris qu’il y avait une bonne technique, c’était de m’imaginer moi, grand-père. Alors je me projetais, je m’imaginais ce que “moi grand-père” allait penser de mes décisions du moment, de faire mes grands choix de vie en fonction de que ce soit “moi, grand-père”, qui choisisse mes choix de vie. Alors je m’explique. C’est que je me disais “l’important, c’est que moi, quand je serai grand-père, je sois content de ma carrière. Finalement, ce n’est pas à moi, Corentin, du moment de choisir, c’est plutôt à Corentin, grand-père, de choisir ce que je devrais faire donc. Et en plus, je pense qu’un grand père, il choisit bien parce qu’il a envie d’avoir des histoires sympa à raconter à ses petits enfants. Et qui dit histoire sympa, ça veut dire des histoires dont il est fier, donc qui correspondent à ses valeurs, à ses convictions et des histoires aussi qui lui sont arrivées. Des trucs. Et donc, j’ai commencé à me faire des projections de discussions avec moi, grand-père, et c’était une de mes activités quand j’habitais sur ce bateau et ça m’a pas mal inspiré pour la suite. 

Conclusion du témoignage « Parcours d’ingénieurs »

Vous venez d’écouter le sixième épisode de la première saison de parcours d’ingénieur. J’espère que ces témoignages vous permettront de mieux comprendre la diversité des métiers que l’on peut occuper. Avec un diplôme d’ingénieur, l’Icam diplôme chaque année 700 ingénieurs. Aujourd’hui, le réseau compte plus de 18 000 alumni partout dans le monde. Vous pouvez retrouver tous les épisodes sur toutes les plateformes de podcast et sur notre site Icam.fr. Et si ces épisodes vous ont plu, partagez-les autour de vous. Et dites-le nous en nous mettant des étoiles.

Découvrez les interviews ingénieurs de Lucie Guillot, ingénieure énergie mobile ou encore celle d’Aurélie Carnel, ingénieure maitrise d’ouvrage